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25 septembre 2024

L'honneur en exemple et en action

Qui n’a pas entendu parler de « Henri au sac à dos », ce jeune homme de 25 ans qui s’est interposé face à un homme armé d’un couteau à Annecy, en juin 2023 ? Un acte courageux qui lui a valu d’être décoré de la Légion d’honneur, des mains de son grand-père, le général André d’Anselme, en janvier 2024. Tous les deux ont bien voulu accueillir ensemble La Cohorte pour un entretien à bâtons rompus.


Recevoir la Légion d’honneur... qu’est-ce que cela signifie ?

Henri d’Anselme : Cette distinction m’est un peu « tombée dessus » et j’ai été, au début, gêné par la médiatisation de l’affaire. Mais, petit à petit, j’ai compris que de nombreuses personnes la demandaient pour moi, parce que cela leur paraissait logique et qu’elles y trouvaient du sens. Et le fait que mon grand-père, lui-même titulaire au titre de ses états de service pour la France, puisse me la remettre, m’ouvrait une perspective nouvelle, en termes de continuité familiale notamment.

 

Général André d’Anselme : Je te rappelle en effet que ton arrière-grand-père l’a, lui aussi, reçue à 25 ans, pour ses faits d’armes pendant la Première Guerre mondiale. Même s’il faut théoriquement au moins 20 ans « de mérites éminents au profit de la société », pour reprendre les termes réglementaires, avant de pouvoir la recevoir, certains gestes exceptionnels peuvent la justifier.

 

Ton jeune âge n’est donc pas si anormal ! Ce ruban que tu as reçu est rouge, la couleur du sang et donc de la vie. C’est bien ce sens premier, le plus profond, qu’il faut en l’occurrence retenir. Quelqu’un qui donne sa vie pour les autres ou pour la patrie, ou encore qui engage son existence dans des actes courageux pour la protection d’autrui, des pauvres et des petits, répond parfaitement aux critères demandés pour la Légion d’honneur.

 

Par ailleurs, en mettant en jeu ta propre vie dans un esprit de service, tu as rejoint l’éthique militaire... Pour en revenir à la remise elle-même, c’était une belle cérémonie, simple et émouvante. Et, en tant que grand-père, j’avoue être fier de voir un certain nombre de valeurs, qui me tiennent à cœur, incarnées par la génération suivante.

Vous sentez-vous « engagé » par cette distinction ?

Henri : Oui, à fond... ne serait-ce qu’au titre de mon histoire familiale. L’accepter et la recevoir dans une sphère privée m’a permis, je trouve, de l’inscrire dans un contexte plus « éternel », sortant de la médiatisation et de la politisation. Je me sens engagé à continuer à servir la France. C’est l’acte d’Annecy qui a déclenché la remise de la Légion d’honneur mais elle m’a été officiellement donnée au titre de trois années de service au sein d’une association à caractère cultuel. C’était plus significatif pour moi d’ailleurs, parce que cela représentait la reconnaissance d’une action pour le bien commun, inscrite dans une durée plus longue. Exactement, à mon avis, ce que l’on attend des légionnaires, qui œuvrent pour le bien public et pour la société française.

Que vous inspire la marque déposée de notre projet associatif « L’Honneur en action » ?

Général : C’est une très belle devise. Tout action menée doit l’être comme un service à rendre, que ce soit à notre entourage, à la société ou à la France. C’est dans ce cadre que le mot « honneur » prend toute sa signification, sans oublier qu’il doit toujours être corrélé au souci de la justice. Il me semble que la notion de service est de plus en plus inexistante aujourd’hui. Il faudrait à nouveau former des générations qui se rendent utiles à la société, en travaillant certes pour gagner leur vie, mais pas uniquement. Le but doit aussi être que chacun apporte, à sa mesure et à sa place, sa pierre à l’édifice du développement et du progrès de notre pays.

 

Henri : Cette formule résume bien le fait que l’honneur est un idéal que chacun doit chercher à incarner dans son quotidien, par la vertu, en s’en donnant les moyens. Pour moi, la Légion d’honneur récompense des hommes vertueux, qui représentent une élite.

La SMLH est très attachée à la transmission intergénérationnelle : comment transmet-on et reçoit-on des valeurs au sein d’une famille ?

Général : Je crois plus à l’exemple qu’aux paroles... L’exemple à donner est le premier fondement d’une vie qui met en application les principes moraux permettant à une société d’exister et d’être soudée. Même si, bien sûr, quand on éduque des enfants, des jeunes, il faut savoir leur dire ce que l’on veut leur transmettre... Dans mon cas, c’était la foi, l’honnêteté, le sens du travail, l’effort pour les autres, l’ouverture aux autres et l’écoute. Certes, les adolescents, de leur côté, ne veulent pas toujours entendre (rires). Les grands-parents ont donc un rôle particulier à jouer me semble-t-il, différent de celui des parents. Ils peuvent représenter l’ancrage profond de la famille, les piliers, vers lesquels les petits-enfants savent qu’ils peuvent toujours se tourner.

 

Henri : C’est exactement cela : les parents mettent les limites et les grands-parents montrent la voie. Vous avez été, vous êtes toujours un modèle pour moi. Vous m’avez donné la signification des barrières parentales... et vous m’avez très peu grondé (rires).

 

Général : Si, si, une ou deux fois quand tu étais petit et que tes parents t’avaient confié à nous. Tu ne voulais pas aller prendre ton bain (rires). Plus sérieusement, j’ajouterais qu’il faut rester humble dans l’éducation. Nous commettons tous des erreurs mais la valeur morale, l’honnêteté, l’ouverture aux autres sont des éléments fondamentaux à transmettre. Il ne faut pas « louper le coche », selon l’expression consacrée !

 

Henri : Vous n’avez pas parlé de ce qui, pour moi, est le plus important ! Vous m’avez donné et transmis sans que je ne m’en rende vraiment compte sur le moment, tout s’est construit petit à petit. Mais ce que je venais chercher auprès de vous, c’était l’émerveillement, la capacité à s’arrêter et à découvrir. Vous m’avez ouvert au goût du beau !

Général, que pensez-vous que les personnes plus âgées, de façon plus globale, ont à transmettre aujourd’hui aux plus jeunes ?

La connaissance de ce qu’est la France et de son histoire. Notre pays s’est forgé au cours des siècles, à travers des événements importants, parfois douloureux et tragiques, parfois scandaleux mais aussi parfois merveilleux. Il nous faut retrouver les principes sur lesquels nous nous sommes construits pour ré-enchanter notre avenir commun.

Et vous, Henri, qu’avez-vous envie de dire aux jeunes de votre âge ?

Le message, c’est celui que j’ai voulu porter avec le tour des cathédrales que j’ai réalisé l’année dernière : la volonté de rêver à un idéal dépassant tout, duquel découle le fait que nous sommes condamnés à l’héroïsme.

Les cathédrales regardent vers le ciel alors que notre société a tendance à se renfermer sur elle-même. Elles nous donnent les principes qui devraient nous guider : le beau gratuit inscrit dans le temps long. Il a fallu en général 5 à 6 générations pour les construire. Elles sont un cadeau fait aux générations suivantes et leur ont donné un cap à suivre.

 

Beaucoup de personnes me considèrent comme un héros mais nous sommes tous appelés à l’être, d’une façon ou d’une autre. Pour cela, il faut mettre «l’honneur en action», on en revient à la devise de la SMLH !

À propos des cathédrales, que vous inspire l’article paru dans le dernier numéro de La Cohorte sur le prix national de l'apprentissage attribué à un aspirant compagnon du devoir pour la reproduction au 20e de la charpente du chœur, du transept et de la flèche de Notre-Dame ?

Que ce compagnon du devoir a bien de la chance de participer à la renaissance et à la reconstruction de Notre-Dame ! L’article est une belle reconnaissance de la qualité du chantier encore en cours et du travail effectué.

C’est très important de soutenir nos artisans et leurs réalisations et de s’intéresser à nos monuments. Car, en dehors du cas particulier de Notre-Dame, la conservation de notre patrimoine religieux doit nous mobiliser : aujourd’hui, en France, plus de 4 000 églises et chapelles s’effondrent. Ne les abandonnons pas !

 

Henri et son grand-père, André.

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